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Lettre d'information n° 14/2010

Colloque de Dublin, 19 Mars 2010

Nominations

Editorial

President Griss

Président Griss

Dans le cadre de sa réflexion sur sa stratégie future et son développement, le Réseau des présidents des cours suprêmes de l'Union européenne tiendra à l'Institut universitaire européen de Florence les 13 et 14 décembre prochains une réunion de travail avec des juges américains sur les modalités de coopération entre les cours suprêmes. L’approche comparative et l’expérience acquise par nos homologues nord-américains rendront certainement cette séance de travail riche en enseignements.

La coopération entre cours suprêmes que nous poursuivons, nous conduit également à consolider et organiser nos échanges avec les autres Réseaux et à suivre avec une attention particulière toute initiative tendant à créer une communauté des juristes européens. L’initiative prise par le Conseil européen en lançant en juillet dernier le site e-Justice (https://e-justice.europa.eu ), dont la dernière lettre d’information s’est fait l’écho, traduit parfaitement cette nécessité de rapprochement.  Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ces questions.

La présente Lettre d’information présente, comme il l’avait été annoncé, une synthèse des Rapports présentés à l’occasion du Colloque que notre Réseau a tenu à Dublin en mars dernier sur les aspects pratiques de l’indépendance de la Justice.

Colloque de Dublin, 19 Mars 2010

Le premier rapport introductif présenté par M. le Président Tolksdorf (Allemagne) sur la protection de l'indépendance envisageait cinq aspects: quelle est la base juridique qui garantit l’indépendance judiciaire ? comment nomme-t-on les juges et comment sont-ils démis de leurs fonctions ? comment est nommé le Président de la Cour Suprême et quelle est la durée de son mandat ? dans quelles conditions s’effectue la suspension volontaire d’une carrière judiciaire ? comment et par qui la déontologie des juges est-elle définie ? En ce qui concerne le premier aspect, le point de départ peut être décrit de façon relativement simple. Vingt-cinq des vingt-neuf pays font état du fait que leur constitution garantit de façon expresse l’indépendance judiciaire. En ce qui concerne les dispositions constitutionnelles applicables, la plupart d’entre elles prévoient des conditions générales.

La constitution de certains pays cependant est plus précise et stipule de façon explicite par exemple comment on déterminer le salaire des juges ou prévoient si et dans quelle mesure les juges peuvent prendre part à des activités politiques. Seuls quatre pays (Luxembourg, Pays Bas, Royaume Uni, Norvège) ont déclaré qu’ils n’avaient pas de garantie constitutionnelle explicite concernant l’indépendance judiciaire. Presque tous les pays ont indiqué qu’il y avait d’autres mesures de sauvegarde règlementaires, dans la plupart des cas dans leur droit procédural, leurs dispositions règlementaires ou juridictionnelles, ou le statut de la magistrature. Quelques pays ont mentionné des précédents jurisprudentiels et des instruments coutumiers visant à sauvegarder l’indépendance des juges. Pour la nomination et la révocation des juges, la plupart des rapports indiquent que les juges sont nommés de façon officielle par le Chef de l’État ou par le gouvernement. Quatre pays ont indiqué que certains juges ou que tous leurs juges sont nommés par le Parlement. Quatre autres pays ont indiqué qu’au minimum les juges des hautes instances sont nommés par un organisme indépendant tel que le Conseil de la Magistrature. Quelle que soit l’instance chargée de nommer les juges, il est fait état d’une grande variété de procédures de sélection et de nomination. En ce qui concerne la cessation des fonctions judiciaires, il semble que nous ayons un acquis commun selon lequel les juges sont nommés à vie plutôt que pour un mandat déterminé. Dans un grand nombre de pays, les juges ou les conseils judiciaires n’ont aucune influence sur la nomination du président de la cour suprême. Le président est alors choisi par le chef de l’État, le gouvernement, le Parlement, agissant probablement conjointement ou bien après consultation mutuelle. À l’opposé, le conseil de la magistrature ou les juges de la cour suprême élisent les Présidents des cours et entre ces deux approches, il existe des systèmes qui prennent en compte l’avis des conseils de la magistrature et/ou des juges des  cours suprêmes ou leur confèrent un rôle consultatif. Dans onze pays, les fonctions de président de la cour suprême ne sont pas limitées dans le temps, mais dix-sept pays ont indiqué que la durée du mandat du président était limitée entre 3 et 10 ans, avec parfois possibilité de renouvellement. Les conditions de la suspension volontaire d’une carrière judiciaire varient de façon importante selon les juridictions. Certains rapports décrivent des règles très détaillées et précises en la matière ; d’autres font état d’approches plus discrétionnaires et pourtant, de nombreux pays plus ou moins nient la possibilité de suspension temporaire. Lorsqu’il existe des codes déontologiques, ils sont élaborés par les juges nationaux, par le conseil supérieur de la magistrature, par une union ou une association de juges, par les juges et les présidents des cours individuelles ou par les commissions spéciales chargées de la déontologie judiciaire. Nombre de ces codes ont un caractère non contraignant et simplement consultatif. Avec ou sans code de déontologie, la plupart des pays indiquent que le comportement judiciaire et les principes déontologiques sont régis par divers instruments juridiques, notamment par les statuts en matière de mesures disciplinaires. Si ce n’est pas le cas, la déontologie demeure une question de tradition juridique et judiciaire.

Le deuxième rapport présenté par M. le premier président Londers (Belgique) sur les conditions matérielles a permis d'aborder en particulier la question dont les salaires et les retraites sont fixées, diminuées etc., et là, il est évident qu’il y a un lien entre d’une part, ces conditions matérielles de travail du juge et d’autre part, leur indépendance.

En effet, le juge doit pouvoir travailler en toute quiétude, ce qui veut dire également une quiétude matérielle. Il y a trois grands systèmes pour déterminer et moduler le traitement des magistrats. Dans la plupart des pays, le salaire est déterminé par la loi donc à l’intervention d’un acte législatif. Dans d’autres pays, par contre, ces salaires sont déterminés par l’Exécutif. Et, en troisième lieu, il y a également des pays où ces salaires sont déterminés de manière beaucoup plus consensuelle (après négociations entre le ministre de la Justice et les syndicats). Le traitement dépend de trois facteurs. Tout d’abord le niveau de juridiction, en second lieu, le rang qu’occupe un magistrat dans la juridiction et évidemment, en troisième lieu, l’ancienneté de service. En ce qui concerne les avantages supplémentaires accordés aux magistrats, ils sont de nature extrêmement différente. En effet, dans certains pays, ces avantages supplémentaires ou des bonus sont accordés pour des prestations supplémentaires et ça peut être soit le fait qu’un juge exerce des fonctions managériales ou, éventuellement, peuvent entrer en ligne de compte des fonctions tout à fait particulières (juges d’instruction ou juges de la jeunesse). En ce qui concerne alors, vraiment, les avantages en nature accordés aux magistrats des Cours Suprêmes, là, il y a vraiment des différences qui sont vraiment très importantes. Mais il y a un autre problème et ce problème se rattache à la manière dont éventuellement on peut changer ou modifier le salaire des magistrats. Il y a en effet des pays où il est inscrit dans un texte constitutionnel ou dans un texte de loi, qu’il est exclu de pouvoir modifier à la baisse le salaire d’un magistrat une fois qu’il est entré en fonction. Par contre, la pratique démontre qu’encore très récemment il y a des pays européens où le salaire des magistrats a été réduit et réduit de manière assez considérable. En ce qui concerne la manière dont sont réparties les affaires entre les chambres, la cour et les juges, une attention particulière est accordée à ce problème précisément parce qu’on veut éviter qu’on puisse donner l’impression qu’en accordant ou en répartissant les affaires on tente d’influencer le traitement de l’affaire en tant que telle. Un même souci d’objectivation prévaut lorsqu’il s’agit de modifier l’attribution des affaires. Les rapports des juges avec l’extérieur qui faisaient l'objet du troisième rapport confié à M. Gaspar (Portugal), doivent être regardés toujours en fonction des conséquences sur l’indépendance et sur l’impartialité, particulièrement dans la dimension objective de l’impartialité. Chaque catégorie d’interaction présente des problèmes spécifiques et doit être encadrée en différentes approches. Les relations sociales au personnel des juges avec des avocats ne suscitent pas en principe des difficultés, ne peuvent pas être considérées en soi même comme un risque pour l’indépendance. Cependant, dans toute situation, les juges doivent faire preuve de précautions quant aux personnes avec lesquelles ils ont des rapports sociaux et sur l’intensité de ces relations. Le niveau et l’intensité des rapports dépendent, en principe, de chacun et cela ne pourra en aucune circonstance affecter l’accomplissement approprié des devoirs d’un juge. Un point pour la discussion peut être en général sur les moyens pour garantir un équilibre raisonnable entre l’exercice et la discipline des juges et l’indépendance. Les organisations internationales des juges comme notre réseau constituent des fora pour des rencontres, des études, analyses, échanges de points de vue et d’expérience qui seront importants dans un dialogue associé à l’indépendance judiciaire.

L’exercice d’activités extra judiciaires par les juges, leur nature et le régime d’exercice dans le cas où cela est autorisé, l’exclusivité de l’exercice de la fonction judiciaire ou la possibilité d’exercer d’autres fonctions constituent un trait distinctif entre les différents systèmes. La participation des juges à des activités politiques, spécialement l’exercice d’un mandat politique et les conséquences de cet exercice sur l’indépendance judiciaire constitue matière ayant des approches diverses dans des différents systèmes européens. L’exercice de la fonction judiciaire ainsi que l’exercice d’autres fonctions au pouvoir d’État n’est pas à l’abri des contestations et des critiques. Les rapports des juges avec la presse, les critiques et l’effet sur la confiance sont peut-être un thème de forte intensité pour nourrir notre réflexion. Les conséquences de l’action ou de l’inaction des pouvoirs publics sur le fonctionnement des tribunaux peuvent se manifester de différentes manières. La politique budgétaire constitue un élément central, car le financement approprié contribue aussi à garantir un fonctionnement indépendant. La dimension budgétaire affecte la capacité de réponse et de travail des tribunaux et l’insuffisance budgétaire risque d’affecter indirectement l’indépendance. Le régime d’intervention des ministres de la justice dans la nomination et dans l’évolution de la carrière des juges dans la discipline et dans le statut de la rémunération constitue aussi un facteur de préoccupation critique dans plusieurs systèmes nationaux ainsi que les interventions législatives inappropriées dans des questions de procédure peuvent interférer avec l’exercice approprié et indépendant de la fonction judiciaire.

Nominations

M. Børge Dahl a été nommé le 1er septembre 2010 Président de la Cour suprême du Danemark où il succède à M. Torben Melchior, ancien Président du Réseau, qui a fait valoir ses droits à la retraite.

M. Silvio Camileri a été nommé Président de la Cour constitutionnelle et de la Cour d’appel de Malte le 9 septembre 2010 où il succède à M. Vincent A. De Gaetano qui a été élu pour siéger à la Cour européenne des droits de l’homme.

Mme Livia Doina Stanciu a été nommée Président de la Haute Cour de Cassation et de Justice de Roumanie le 16 septembre 2010.